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Imhotep (Sur la justice)

  • Mathilde Soulheban © Michèle Soulheban

MATHILDE SOULHEBAN

Je me suis rendue au Caire en 2019.
Un ami allait voir sa famille et il m’a proposé de l’accompagner. Nous avons visité le grand musée d’Égyptologie, nous avons vu les pyramides en vrai et ensuite, à la tombée de la nuit, nous avons mangé un KFC sur la place Tahrir.
Depuis ma conscience ne me laisse pas en paix.
Un jour, que j’espère le plus lointain possible, je mourrai et j’assisterai à la pesée de mon cœur.
Il faudra répondre de ce KFC avalé un soir place de la Libération.
Si je ne trouve rien à dire mon esprit sera jeté au monstre de la Justice, avec son haleine d’hippopotame, ses quatre dents marron de tartre et de sang : jamais je n’atteindrai le pays des morts, le Bel Occident où tous les êtres tombent.
Cette année mon père a eu cent ans, et je suis née sept jours après lui.
Le temps presse.

Ébauché à l’occasion d’un laboratoire dirigé par Janaina Leite au CDN de Caen, ce texte travaille l’idée que l’on se fait de la justice à partir de récits historiques et mythiques de l’Égypte antique, l’une des plus anciennes civilisations dont nous pouvons encore percevoir la pensée. En point de fuite : pourquoi nous sommes nous mis en tête d’être justes ?

Mathilde Soulheban est écrivaine et dramaturge. Diplômée de l’Ensatt, elle collabore avec l’Ensemble Facture - Nicolas Barry (Grand Crié) et veut écrire plus de livrets pour l’opéra depuis qu’elle en a fini un l’année dernière (Nocturne, Lanqing Ding). La Bouche pleine de feu est publié aux éditions du Pôticha.

Lauréate du Bivouac des comités de lecture 2021.

Avec le soutien de la Chartreuse-CNES