exposition imaginée et conçue par le Groupe αb
Les dessinateurs de Charlie Hebdo ont été abattus le 7 janvier 2015 parce qu’ils dessinaient. Ils faisaient des « bonhommes à gros nez » (Luz). Ces dessins n’avaient pas la prétention d’être des œuvres d’art, même si, pour certains lecteurs et amateurs, ils en étaient de fait. Non, ces dessins étaient des images, simplement des images.
Et puis sont venus la censure, l’autocensure, la violence, les attentats.
Quel objet pourrait signifier le vide qui adviendrait si, dans le futur, nous laissions l’obscurantisme faire le noir ? Le cadre.
Qu’il soit muséal, en bois doré ouvragé, en aluminium brossé ou maigre filet noir autour d’une case de BD. Le cadre nu.
Le jeu de la sémantique renvoie également à un des autres sens du mot « cadre ». La loi, l’ordre, ce que l’on doit connaître, ce qui définit les bords et les limites dans lesquels on doit agir, le champ où la liberté peut s’exprimer mais qu’elle ne peut dépasser.
La question qui se pose à nous et que nous souhaitons partager : Et s’il n’y avait plus que les cadres ?
S’il n’y avait plus que les limites ?
Sans plus rien à l’intérieur ?
Si la censure et l’autocensure avaient gagné ?
Si le contenant avait absorbé le contenu ?
S’appuyant sur ses innombrables strates d’occupations et fonctions à travers le temps (notamment lorsqu’elle fut lieu de silence et d’enfermement) la Chartreuse propose à tout un chacun de se projeter dans un monde sans image, sans œuvre… un monde effrayant où aucune illustration, représentation, image ne serait plus possible car jugée potentiellement offensante.
Présenter sur des cimaises des cadres vides avec pour seules indications des cartels. La représentation en quelques mots de ce que ce cadre aurait pu contenir, porter et offrir au regard. Juste des titres, des noms, comme autant d’épitaphes ou de radeaux ultimes à l’imagination.
En art contemporain, il est fréquent de voir des œuvres sobrement intitulées « sans titre ».
Ici, il serait question de l’exact inverse. Plus que les titres, la fiche d’identité rédigée de l’image.
Uniforme, exposition responsable est une exposition sans œuvre, sans artiste.
C’est l’expression de la volonté d’un lieu et d’une équipe d’affirmer que les images ne peuvent disparaître. Elles sont les visages de l’Autre, de cet Autre indispensable au dialogue, à la rencontre, non dans le combat mais dans le débat.
« Courage ! Rions ! »
Groupe αb