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En Pleine France #prunier#foot#2022

  • Marion Aubert © Francesca Mantovani

MARION AUBERT

Au départ, il y a un départ. En 1958, onze footballeurs « musulmans d’Algérie » quittent leurs clubs de métropole pour créer l’équipe du FLN et participer activement à la lutte pour l’Algérie Indépendante. Quelque part dans les mémoires (ou pas), il y a le match amical France-Algérie, le 6 octobre 2001, suspendu à la 75ème minute de jeu, après l’envahissement du terrain par de jeunes supporters, alors que les Bleus menaient 4 à 1 contre les Fennecs.

En perspective, il y a un match qui, peut-être, aura lieu (ou pas) au Stade de France. En toile de fond, il y a notre histoire coloniale. Au premier plan, la place d’un quartier. En pleine France. Une France avec terrasses, supérettes, musées, clubs de foot, théâtres, lofts, appartements et maisonnettes. À l’intérieur (dans la cuisine, le grand Salon, la bibliothèque…), des gens. Des gens, avec des têtes. Des têtes, et des trucs qui circulent. Des trucs bien incrustés. Des trucs qui bloquent. Bifurquent. S’éventent, un peu. Sédimentent. Il y a aussi des bouches qui disent. Des bouches qui disent des trucs sensés, ou bien n’importe quoi. Des bouches qui souffrent. Des bouches qui croient bien dire. Des bouches qui ne savent pas ce qu’elles disent. Ou bien le savent trop bien. Il y a aussi des bouches qui s’aiment ! Des corps qui sentent. Des corps qui sentent ce que les têtes soupçonnent (ou pas). Il y a des crânes dans des placards. Il y a des jeunes qui se donnent des taquets dans les tibias. Rient. Se chambrent. Des spectres qui ont envie d’en être. Il y a l’Histoire qui n’arrête pas de pousser, des adultes, plus ou moins agités par les traces du futur. Englués dans le présent, avec des trucs à préparer. Il y a Marthe, Wassim, Ilham, Marie, Kader, François et les autres. Par-dessus, par dehors, en travers, en dedans, charriant toutes ces vies, toutes ces cavités, il y a un bus fantôme, qui va, tant bien que mal, cahin-caha, vers le match (ou la suite de l’histoire).

 

Marion Aubert est écrivaine dramaturge, comédienne, et coresponsable du département d’écriture de l’ENSATT. Elle codirige la Compagnie Tire pas la Nappe avec Marion Guerrero. La plupart de ses textes sont édités chez Actes Sud-Papiers, certains sont traduits en allemand, italien, tchèque, anglais et portugais.

Avec le soutien de la Chartreuse-CNES.